Comprendre et traiter la lombalgie
En France, le mal de dos est considéré comme étant le mal du siècle. Les lombalgies touchent plus d’un Français sur 2. Cette pathologie est la 3e dépense de santé publique et entraîne chaque année jusqu’à 13 millions de journées d’arrêt de travail par an !
Et si la lombalgie n’était pas une fatalité ? Qu’est ce que la lombalgie et comment peut-on la prévenir / soigner ?
Lombalgie : définition
La lombalgie est une pathologie de la région lombaire du rachis (bas du dos). Elle peut survenir à la suite de traumatismes physiques, de mauvaises postures et être le résultat de « sollicitations jugées importantes et répétitives tout au long de la vie : port de charges, sports, mouvements répétitifs, torsion. ».
A termes, les contraintes, déséquilibres et compensations au niveau des muscles, ligaments et articulations de notre colonne vertébrale (CV) ne lui permettent plus d’assurer ses fonctions, à la fois fondamentales, et… vitales !
La colonne vertébrale doit en effet :
- Supporter le poids de notre corps,
- Protéger notre système nerveux,
- Permettre le mouvement,
- Amortir les chocs liés à la locomotion et au port de charges
Pour cela, elle doit maintenir un équilibre fonctionnel contradictoire entre stabilité et mobilité.
La compréhension de l’anatomie du rachis et de ce paradigme « stabilité / mobilité » est essentielle pour la prévention et la prise en charge de cette pathologie.
Anatomie de la colonne vertébrale
La colonne vertébrale supporte l’ensemble du squelette humain. Elle est composée d’environ 33 os dont 24 vertèbres mobiles séparées d’un corps amortisseur et stabilisateur appelé « disque intervertébral » (ou DIV) :
- 7 vertèbres cervicales
- 12 vertèbres thoraciques
- 5 vertèbres lombaires
- 5 vertèbres sacrées soudées composant le sacrum
- 3 à 5 vertèbres coccygiennes soudées composant l’os coccyx
C’est cette organisation qui lui confère une mobilité en 3D et qui lui permet d’orienter la tête, le tronc et les membres supérieur de notre corps.
Le rachis doit cependant rester suffisamment stable et rigide pour protéger notre système nerveux.
Il nécessite une musculature puissante pour supporter la masse de la tête, de la ceinture scapulaire, du tronc et de la cage thoracique qui représentent environ 50% de notre masse corporelle !
Ses 3 (+1) courbures physiologiques lui permettent également d’augmenter sa capacité de résistance face aux contraintes mécaniques internes et externes :
- Lordose cervicale
- Cyphose dorsale,
- Lordose lombaire
- (+ une cyphose au niveau des vertèbres soudées du sacrum)
Comme l’écrit Olivier Pauly dans son ouvrage Posture et Gainage, « la résistance d’une colonne est proportionnelle au carré du nombre de ses courbures plus un », soit pour les 3 premières courbures 3²+1 = 10.
Une colonne à 3 courbures est donc 10 fois plus résistante qu’une colonne sans courbure !
La région lombaire, point de faiblesse de l’édifice rachidien
La région lombaire est soumise à de nombreuses contraintes puisqu’elle est située sur la partie basse du rachis. Elle soutien davantage de poids que les vertèbres cervicales et dorsaux thoraciques.
Cette région basse repose également sur le sacrum (plateau sacré) qui présente une inclinaison plus ou moins importante et qui est soumise à d’importantes contraintes, pouvant entraîner le glissement de la dernière vertèbre lombaire (L5) en avant de la première vertèbre du sacrum (S1). Cette zone est clairement le point de faiblesse de l’édifice rachidien…
Le bassin, composé du coccyx et du sacrum, peut également être responsable de l’instabilité du rachis. Son rôle est déterminant dans l’équilibre de la colonne vertébrale et est un élément majeur dans la gestion des courbures vertébrales. C’est une zone importante à considérer lorsqu’on parle de pathologies rachidiennes puisque tout mouvement ou position du sacrum va influer sur la lordose lombaire et par compensation, sur la courbure thoracique et cervicale.
Rachis = structure de tenségrité
Pour nous maintenir en station érigée, notre rachis est également stabilisé par des « structures musculaires en synergie avec les ligaments et les structures aponévrotiques (fascias) ». Cet ensemble représente une structure de tenségrité* comme un hauban assure la rigidité d’un mât.
Il est fondamental de maintenir le bon fonctionnement des muscles érecteurs, stabilisateurs et protecteurs du rachis pour leur permettre de maintenir des courbures vertébrales optimales pour bien se mouvoir.
Bouger c’est bien, bien bouger c’est mieux.
Muscles postérieurs : entre stabilisation et mouvement
Au niveau du dos, on retrouve plusieurs couches de muscles formant une gaine profonde. Ils permettent le maintien des courbures et la stabilisation du rachis (contrôle des micromouvements / proprioception).
Plus en superficie, d’autres muscles (intertransversaires, érecteurs du rachis, grand dentelé, grand dorsal, trapèze) ont quant à eux un rôle associé aux mouvements de plus grandes amplitudes.
Le caisson abdominal pour protéger le rachis
Les abdominaux jouent un rôle particulièrement important de « contention pneumatique abdominale » et peuvent réduire de près de 1/3 les contraintes sur le rachis lors du soulèvement d’une charge.
- Le transverse joue par exemple un rôle de « bretelles » (Bernadette de Gasquet, Abdominaux : arrêtez le massacre !). Il permet de contenir la colonne vertébrale lors de son hyperextension. Cette contraction excentrique pour freiner le mouvement permet de protéger le rachis.
- Les obliquent permettent les inclinaisons du tronc mais travaillent également de pair avec le diaphragme pour contenir très efficacement une pression abdominale comme une ceinture pourrait le faire. Ce n’est pas pour rien que sur le plan esthétique on fait bosser les obliques pour « avoir le ventre plat et la taille galbée ».
Que faire pour soulager une lombalgie et le mal de dos en général ?
D’abord, on consulte !
Si la douleur est aiguë et/ou chronique il n’y a rien de mieux à faire que de consulter un médecin ou un kiné. Ils sauront, soit te prescrire des examens supplémentaires, soit te proposer un protocole pour :
- Soulager la douleur,
- Identifier la cause,
- Soigner la cause.
Ensuite ? On stabilise et on renforce !
On entend souvent qu’il faut renforcer en priorité ses abdos, et l’on recommande, à tort, de faire des crunchs. Dans le cadre d’une lombalgie, le travail en flexion du grand droit de l’abdomen (le fameux « six pack ») peut accentuer le déséquilibre entre la chaîne antérieure et postérieure et entraîner une posture en fermeture qui renforce les tensions au niveau lombaire.
Pour stabiliser la colonne lombaire, il est préférable d’effectuer un travail synergique entre les muscles profonds et stabilisateurs de la chaîne antérieure et postérieure (= corset lombo-abdominal) : le transverse, les obliques, le multifidus, entre autres.
L’objectif est de travailler sur des exercices de renforcement posturaux et des exercices de contrôle moteur, statiques pour les débutants, puis dynamiques, sur surface stable, puis instable.
Il est important de veiller à ce que les modalités de renforcement respectent les caractéristiques du muscle : force ? endurance ? contrôle moteur ? coordination ? et de respecter le principe de progressivité !
Et… on réveil son fessier !
Les fessiers jouent un rôle important dans la production de mouvement et la stabilisation du bassin. Si les fessiers ne fonctionnent plus correctement, cela entraîne des compensations… notamment au niveau du bassin et donc du dos.
Enfin, on mobilise et on étire.
Lorsque certaines zones ne fonctionnent pas de manière optimale, notre corps trouve toujours un moyen d’assurer la fonction… en utilisant un autre muscle, une autre articulation qui n’est pas conçue pour cette fonction. C’est ce qu’on appelle la compensation.
A termes, la perte de mobilité articulaire et le raccourcissement de certains muscles peuvent créent des tensions à l’origine de blessures liées à la surcharge des muscles et des tendons (claquages, usure prématurée des articulation, etc) !
C’est pourquoi il est important de maintenir ou de retrouver une mobilité articulaire et tissulaire optimale. La mobilité est fondamentale pour pouvoir nous mouvoir et réaliser tous nos mouvements du quotidien de façon fluide et sans danger.
La mobilité fonctionnelle étant liée à la souplesse, il est également intéressant de pratiquer des exercices d’étirement, passifs, actifs, tractés ou non. Si vous en avez la possibilité, l'utilisation d'une table d'inversion est très intéressante pour soulager les douleurs aux lombaires.
Des ischios jambiers raides peuvent entraver la bascule du bassin lors du mouvement du tronc vers l’avant. C’est le dos qui compense par manque de mobilité du bassin. Il en va de même pour les étirements des muscles fléchisseurs de la hanche (fessiers, psoas notamment) et du bas du dos.
Dans tous les cas, il est important de respecter la règle de la non douleur. Il est préférable de s’étirer régulièrement et peu de temps, que rarement et longtemps (et souvent trop intensément !).
Attention, le stretching ne doit pas être la priorité en cas de douleurs lombaires… certaines raideurs sont une réponse protectrice du corps suite à un dysfonctionnement ! Nous en reparlerons dans un article dédié.
Résumé
En cas de faiblesse au niveau lombaire, il est recommandé de suivre le protocole suivant :
- Consultation médicale
- Travail de coordination et renforcement postural des muscles stabilisateurs du rachis (corset lombo-abdominal)
- Travail de mobilité et étirements progressifs
- Renforcement des muscles liés aux mouvements
Lorsque les exercices sont bien maîtrisés, rajouter de l’instabilité ou de la charge (l’un ou l’autre) et toujours miser sur la qualité d’exécution.
*Tenségrité : faculté d’une structure à se stabiliser par le jeu des forces de tension et de compression qui s’y répartissent et s’y équilibrent.
Sources
- Formation BPJEPS avec Olivier Allain, préparateur physique et formateur à l’Ecole Eficiencia. Pour aller plus loin, je recommande de lire son excellent article publié sur Sci-Sport : Mal de dos et Lombalgies : Action et vérités. Vous y retrouverez notamment + de 50 références scientifiques !
- Posture et Gainage : santé et performance, Olivier Pauly (Broché – 13 mai 2016)
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